Les premières monnaies, constituées
par des produits faisant l’objet de larges courants d’échange, tiraient leur
valeur de leur emploi sous forme de marchandises ; il en a été notamment ainsi
pour le bétail ; c’est pourquoi l’on disait autrefois, d’un témoin qui se
taisait, qu’il avait un bœuf sur la langue pour indiquer qu’il avait été payé.
La nécessité d’obtenir à la fois une grande valeur sous un faible volume, une
conservation aisée et une homogénéité facilitant la division de la
marchandise-étalon conduisit à recourir à des métaux précieux : l’or et
l’argent constituèrent pendant longtemps les monnaies les plus courantes.
Ces métaux circulaient à l’origine
sous forme de lingots qui devaient être pesés lors de chaque transaction. Pour
éviter cet inconvénient, l’habitude fut prise d’indiquer par une empreinte sur
chaque pièce de métal, le poids et la contenance de métal précieux. Les
pouvoirs publics s’arrogèrent le privilège de frapper ainsi les pièces : les
monnaies métalliques étaient nées.
Cependant le sceau dont elles
étaient revêtues ne faisait foi que dans les limites de la juridiction de
l’autorité qui l’avait apposé ; les banquiers, dont le nom dérive du « banc »
sur lequel leur activité s’exerçait, échangeaient les unes contre les autres
les diverses monnaies en circulation. Leur clientèle prit ainsi l’habitude de
leur confier des pièces de monnaie contre délivrance d’un reçu. Ces reçus,
naturellement moins encombrants que les espèces métalliques, furent utilisés
pour opérer des transferts de fonds. À partir du moment où l’usage de les
rédiger sous une forme type et de les libeller en sommes « rondes » se
répandit, ils prirent le nom de billets de banque.
Au XIXe siècle, le développement du
machinisme permit d’accroître, à une cadence rapide, les biens offerts au
public tout en exigeant des investissements importants ; la demande de monnaie
devint plus vive. Les banquiers constatant que les billets de banque émis par
eux circulaient comme une véritable monnaie et n’étaient pas tous présentés pour
être échangés contre des pièces métalliques, il leur parut possible d’accroître
la quantité des moyens de paiement en prêtant une partie des espèces
métalliques qui leur étaient confiées. Il leur était toutefois nécessaire de
conserver une encaisse en or et en argent suffisante pour faire face aux
demandes éventuelles de remboursement. Afin d’éviter les abus, chaque
gouvernement réserva progressivement le privilège de l’émission des billets à
une seul banque.
La monnaie commença ainsi à se
détacher de sa base métallique et à devenir fiduciaire, c’est-à-dire à reposer
sur la confiance (fiducia en latin) que la conversion du papier en espèces
métalliques serait à tout moment assurée.
Toutefois, l’évolution se
poursuivant, le billet de banque a finalement changé de nature. Il obtint
d’abord le cours légal, son acceptation comme moyen de paiement devenant
obligatoire, puis il reçut le cours forcé qui dispensait la banque émettrice de
le rembourser en or. Il a ainsi perdu sa qualité originelle de billet à ordre
pour devenir une monnaie qui s’est substituée aux espèces métalliques d’or et
d’argent.
À côté du billet et pour des raisons
évidentes de commodité, se sont développés les règlements par écritures
résultant du transfert de soldes créditeurs entre comptes à vue ouverts dans
les établissements bancaires. L’évolution qui a permis aux règlements par
écritures de se substituer dans une large mesure aux billets de banque a été
analogue à celle qui avait conduit les billets à se substituer à l’or. Le dépôt
bancaire (monnaie scripturale) représente un droit à recevoir des billets de
banque, comme le billet de banque représentait un titre permettant d’obtenir
des espèces métalliques.
La valeur de la monnaie sous toutes
ses formes repose maintenant sur la confiance que le public accorde aux
autorités responsables de sa surveillance ; celles-ci s’efforcent de ne pas
permettre la mise en circulation de moyens de paiement en quantité plus
importante que ne l’exigent les besoins de l’activité économique. Ainsi, progressivement,
la conception nominaliste du fondement de la monnaie l’a emporté sur la
conception matérialiste. Cette substitution a permis aux sociétés
industrialisées de parcourir une étape importante de leur évolution économique,
car le développement des signes monétaires n’aurait pas été compatible avec une
conception matérialiste du numéraire. Toutefois, en ouvrant d’amples facilités
à la création monétaire, les progrès réalisés ont, en assez large mesure, rendu
plus précaire la stabilité du pouvoir d’achat de la monnaie.
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